Confessions [NEVADA]

Après une bonne soirée au restaurant, Pei s’accorde enfin une pause. Ses serveurs, comme souvent, doivent être rapide pour servir au plus vite les clients. À l'heure du coup d’envoi, c’est une mini-panique qui envahit le Sushi Traditionnel. Pei, vêtue sobrement, une robe longue et un gilet noir, décide d’aller faire le bilan provisoire de la soirée. Elle se dirige donc d’un pas vif vers son bon vieux comptoir en bambou. La jeune femme sortit son carnet de ‘bord’ et pris un crayon de papier avant d’ouvrir le gros livre à la page du jour. Après avoir terminé son petit bilan, la jeune femme contempla son établissement, ses clients, joyeuse de cette réussite. Elle alla furtivement jeter un coup d’œil aux cuisines et entendit le bruit de la clochette. Pei passa sa tête de l’autre côté afin de voir qui venait d’entrer. Un chiffon à la main, elle salua d’un signe de tête la cliente. Madame Jackson. Épouse d’un homme très fortuné en Australie. Pourtant, il semblait y avoir une sorte de malaise entre elle et son époux. Isabel l’avait remarqué peu de temps après leur ‘rencontre’. Et ce soir, comme jamais, elle était venue seule. Au départ, Pei n’y porta pas réellement d’attention et l’une de ses serveuses partie à la rencontre de Madame Jackson. Puis, elle posa son regard sur sa cliente, qui ne semblait pas heureuse. Quelque chose la tourmentait. *Mêles-toi de tes affaires, cela ne te regardes pas.* Pourtant, même après s’être formellement interdit d’aller la questionner, Pei posa son morceau de tissu sur le comptoir et alla en direction de la jeune femme. Elle l’aborda avec un sourire amical. « Madame Jackson ? Excusez-moi de vous déranger, puis-je m’assoir ?»

Désireuse de sortir en ville ce soir là, et de manger autre que ce que la cuisinière qu’employait parfois son mari lorsqu’il partait en voyage d’affaires, c’est sans surprise que Nevada se rendit au Sushi Australien, un restaurant japonais. Son mari et elle avaient pour habitude de s’y rendre, appréciant chaque plat préparé avec le plus grand soin et professionnalisme mais aussi les services plus que rapides. Nevada n’avait jamais eu à se plaindre, tout y était parfait, jusqu’à l’ambiance de l’endroit et la décoration. Pourtant, quelque chose l’avait toujours gêné. Comme si quelque chose pesait sur elle et l’empêchait d’apprécier pleinement les bons plats. Elle n’arrivait pas à savoir où était le problème, et ne pouvait s’empêcher de se rendre dans ce lieu, comme un besoin. Les regards que lui lançait la gérante étaient comme une note d’espoir, mêlée à un mystère et à la peur. Nevada avait l’impression que celle-ci avait senti le malaise qui régnait entre elle et son mari, comme si elle la comprenait.

Ce soir là, elle s’assit comme à son habitude à leur table, bien qu’elle soit seule. Elle n’avait pas encore aperçu la gérante, et Nevada ne savait pas si elle éprouvait un certain soulagement ou une déception. Quelque chose ce soir là l’avait poussé à se rendre ici, et elle savait qu’elle avait souhaité croiser le regard, à nouveau, de la propriétaire. Elles ne se connaissaient pourtant pas. Certaines fois, Nevada se disait folle à lier, de penser qu’un simple regard aurait pu faire découvrir à cette femme le lourd secret et regret qu’elle avait enfoui au fond d’elle. Qui pouvait lire dans l’esprit de quelqu’un ? Qui pouvait tout comprendre et sentir un tel malaise ? Nevada s’était tellement habituée à sa situation que certaines fois, elle se disait bête de penser des choses pareilles sur son mari. Que peut-être elle en demandait trop, que peut-être elle l’aimait plus qu’elle ne croyait et ne voulait aucun autre homme dans sa vie, que peut-être sa condition lui plaisait. Avait-elle vraiment envie de tout plaquer sur un coup de tête, une pensée sans grand fondement ? Avait-elle envie de faire du mal autour d’elle ? De casser cette image de femme parfaite, couple parfait, vie parfaite ?

Soudainement, la gérante se dirigea droit sur elle, sans qu’elle puisse penser quoique ce soit. Lorsqu’elle lui posa une question, elle ne réfléchit pas, et s’étonna elle-même de sa réponse…

« Bien sûr. »

C’était louche, bizarre, étrange, tout ce que vous voulez. Comme à chaque fois qu’elle mangeait dans ce restaurant. Elle n’avait rien bu encore, mais savait que cette soirée serait riche en rebondissement et folie. Elle sentait que ce soir était spécial. Elle le sentait en elle… Elle s’efforça de sourire, comme à son habitude, reprenant son allure de femme heureuse.

Isabel ne savait pas vraiment comment elle allait tourner ses phrases, comment lui parler. En fait, si les places étaient inversées, Pei aurait certainement répondu froidement, n’aimant pas se moindre en position de faiblesse. Mais bien qu’elle ne savait pas comment l’aborder, ni si elle devait peser chaque mot qu’elle allait prononcer, elle avança vers sa cliente, en faisant tout pour prendre une expression amicale. Dès qu’elle entendit une réponse positive, Pei pris la chaise et s’y assise. Le restaurant été bondé, et c’était le seul coin de l’établissement avec un minimum d’espace vital. J’entends par là que les tables étaient assez proches l’une des autres, pas surpeuplée non plus, mais lorsqu’elle entreprit les travaux de rénovation, le ‘secteur’ Vietnamien et Thaïlandais avait pris une place bien plus importante que prévue. Revenons-en à nos chèvres. Ne sachant pas vraiment comment entamer la conversation, Pei commença par le plus simple selon elle. « Pei Hanover, je suis la gérante du restaurant. » N’ayant jamais pris le temps de se présenter, c’est la première chose qu’elle fit, en l’absence du mari de sa cliente. Elle sourit et posa ses deux bras sur la table avant de joindre ses mains. La jeune femme s’était pourtant interdite de se mêler de la vie des autres, beaucoup trop curieuse, cela lui avait déjà causé des ennuis. Mais c’était plus fort qu’elle. Sa cliente, dont elle ne connaissait que le nom, dégageait un très gros malaise. Pour entrer dans le vif du sujet, Pei n’y alla pas par quatre chemin, et ne réfléchis pas vraiment en lâchant ça : « Écoutez, je sais que cela ne me regarde pas mais… je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer que vous n’allez pas très bien… et je ne parle pas seulement de ce soir madame Jackson. »

» confessions entre amis (a)
» JACKSON, Nevada. - where is Love ?