'Retrouvailles' [AMOOR]

Les Dodges sont esthétiquement parlant magnifiques, cependant il semblerait que le véhicule de notre chère Isabel Pei soit en train de se foutre de sa gueule… Après plusieurs tentatives pour tenter de démarrer son engin, Pei dut se résoudre à appeler un dépanneur pour la conduire chez le garagiste le plus proche : Le garage Raven. Après quelques minutes de route, la jeune femme fut déposée avec son véhicule devant le garage. Le dépanneur, plutôt compatissant, tentait de jouer sur l’humour et de dédramatiser la situation. Hors même si la jeune femme est aimable, le moment n’était idéal et son visage dégageait un air froid. Lorsqu’on ne la connait pas, on peut penser qu’elle n’est pas du genre très bavarde ou amicale. Chose qui n’est pas vrai, mais autant dire que ce genre de panne à le don de lui taper sur le système. Le dépanneur avant de partir, remplit le formulaire et lui présenta la somme à payer. Chose qu’elle fit sans un sourire ou mot. Un garagiste vint l’accueillir et elle lui présenta les faits. « Mon véhicule refuse de démarrer. Il n’y a rien à faire, j’y suis depuis deux heures et je n’y connais rien. J’aimerai que vous y jetiez un coup d’œil. » Se trouvant en face du responsable, Pei s’efforça d’être aussi aimable que possible, même si au fond, elle n’avait qu’une envie, céder à la crise de nerfs. Le responsable, un homme de taille moyenne, pâle et souriant pris les clés de sa voiture et l’installa dans l’un des coins du garage. Il revint vers elle pour lui dire que l’un de ses employés allait se charger de son véhicule, et que si elle le souhaitait, elle pouvait aller voir de plus près. Pei acquiesça et le remercia avant de se diriger vers son petit bolide. De là où elle se trouvait, elle ne voyait pas le mécanicien, et au fond elle se fichait bien de la tête qu’il pouvait avoir, tant qu’il faisait son travail, tout irait pour le mieux. Il avait déjà commencé à faire son travail lorsqu’elle arriva à ‘destination’. Le capot était relevé, elle ne voyait toujours pas le mécano’. Les sièges et le volant étaient recouverts de housses en plastiques, histoire de ne pas salir le véhicule… ou au cas où l’auto était sale, se salir soit même. Pei croisa les bras et soupira légèrement avant de demander à l’employé : « Alors ? Vous avez une idée pour la panne ? » Mise à part cela, sa journée n’était pas mauvaise, elle n’était pas d’humeur exécrable ou quelque chose dans ce registre… Ce n’est que lorsqu’elle vit le visage du mécanicien qu’elle changea littéralement d’optique concernant sa journée… Sean Ryan Hemingway. ‘Ami’ de longue date. Elle l’avait toujours appelé Ryan ou un autre surnom débile lorsqu’elle le taquinait. Avant qu’elle ne vienne ici, à Port Vineria, elle s’était liée d’amitié avec lui, une amitié très forte qui avait finie par s’intensifier au fil du temps. Puis un jour, il partit dans l’armée, et elle n’eut plus aucunes nouvelles de lui. Elle avait passé des mois à broyer du noir avant de venir en Australie. Finalement, elle avait apprit à oublier. Mais se retrouver en face de lui aujourd’hui lui rappela à quel point son attitude et son absence l’avait blessée. Elle hésitait à tourner les talons, ou à faire comme si elle ne se souvenait pas de lui… Sauf qu’en étant figeait, bouche bée, je doute que ce soit crédible…

C’est dans ce genre de moment qu’on se dit qu’il aurait été préférable se prendre une tuile sur la tronche. Au lieu de ça, Pei se retrouvait en face d’une personne qu’elle avait copieusement insultée. Et cette personne avait les mains dans le moteur de son véhicule. Il est vrai que lorsqu’ils se sont revus après plusieurs années, la jeune femme n’a pas été tendre. Au contraire, les injures ont fusées. Et il le méritait. Comment aurait-elle dut prendre la chose ? Un gros sourire tout mielleux et au moment propice, un petit coup de genou dans les valseuses ? Non, il fallait qu’Isabel s’exprime, elle avait du mal à intérioriser sa colère et sa rancune. Surtout envers une personne qu’elle apprécie plus qu’elle ne le devrait. Étant de nature impulsive et très susceptible, elle dut prendre son mal en patience. Son petit sourire en coin ne lui échappa pas… de même que sa mimique, qu’il avait gardait aujourd’hui. Un petit mouvement de tête à droite lui indiquait qu’il était gêné. Mais doté d’une adresse hors du commun, en s’appuyant sur sa portière, Sean laissa derrière lui une magnifique trace de cambouis sur toute la longueur de la vitre. Ce qui eu pour effet d’exaspérer encore plus notre patronne, qui dut prendre sur elle. Sa Dodge en otage, elle ne voulait pas risquer qu’il s’en prenne à son bolide, en guise de remerciement pour le somptueux : enfoiré.

Pour revenir à leur première retrouvaille, Pei ne lui avait laissé que trente-six secondes de temps de parole. Lorsqu’elle est déchainée, vous pouvez-y aller, rien ne l’empêchera de parler. Et Sean en avait fait les frais. Il n’avait pas eu le temps de s’expliquer, et Pei s’en foutait, ce qui comptait, c’était qu’il puisse en prendre un maximum dans le buffet en un minimum de temps. En y réfléchissant bien, elle y était peut-être allez un peu fort. « Et bien non, malheureusement, je n’ai pas encore d’idée. » Elle grogna intérieurement et commençait à bouillir. La jeune femme commença à faire les cents pas dans le garage. Le bruit de ses talons pouvait aisément s’entendre de l’extérieur. De gauche à droite, elle tournait le dos à son ‘ami’. Plus ses talons heurtaient le sol, plus la moutarde montait et elle avait envie d’exploser. Malheureusement, ici, le garage Raven est le seul à bon marché et compétent. Pourquoi aller ailleurs ? Elle nota ce garage comme énième endroit à éviter jusqu’à nouvel ordre. Pei regarda sa montre et tapa du pied. Comme belle emmerdeuse, aujourd’hui vous ne pouvez trouver mieux. « Bon écoutes, ça ne me plait pas plus que toi de te voir, ni même de me retrouver en face de toi, mais c’est le seul garage du secteur, alors plus vite tu auras fini ton… *mouvement des mains* truc… plus vite je pourrais partir et ne t’en fais pas, l’emmerdeuse essayera de se tenir loin de toi, okay ? » Isabel se retourna, souffla légèrement et recommença à marcher. Rien n’y fait, la moutarde est toujours là… Finalement, elle se lâcha. « Pas une seule lettre, ni un coup de fil pendant des années. Mais putain Sean, t’as bien du rigoler en pensant à moi n’est-ce pas. La pauvre gourdasse de service qui buvait tes belles paroles. Tu m’horripiles. » La méditation Zazen n’était réellement pas faîtes pour la jeune femme. Elle avait été assez agressive, le timbre de sa voix était loin d'être amical…

Il est vrai qu’en général, l’amour finit par une dépression, une partie de jambes en l’air ou trois kilos en trop devant Autant en emporte le vent. Mais les histoires d’amitiés, sont beaucoup plus… difficiles. Et difficile était loin d’être à la hauteur de la relation Sean/Pei. Isabel Hanover pouvait être douce et compréhensible, mais aussi mauvaise et violente lorsqu’elle le voulait. L’un de ses défauts, elle n’arrive pas à se modérer et elle monte vite sur ses grands chevaux. Après avoir fait les cents pas et avoir craché une infime partie de son venin, ce fut au tour de Sean de s’exprimer. Il faut dire qu’il avait intérêt à saisir ces quelques secondes de libertés. Isabel est un vrai moulin, et il le savait. Après sa seconde phrase, Pei entendit le capot de son véhicule claquer. Elle se retourna et vit Sean, clé à molette en main, d’un air peu joyeux. Non mais attendez, il a réellement l’intention de se servir d’une clé ? À moins qu’il lui lance le projectile en pleine tronche, Sean n’avait pas beaucoup de chance de la blesser sérieusement, sauf s’il était la réincarnation de Bruce Lee. C’est certainement lui qui finira avec quelques hématomes si l’envie lui prend de se frotter à elle. Cela fait maintenant huit ans qu’elle pratique le Gong Fu et le Tai-Chi. C’est une mordue d’art martiaux depuis l’enfance, et elle apprend très vite. Mais cela, Sean l’ignore, puisqu’il était absent. Dieu seul sait ce qui aurait pu arriver s’il était resté au pays. Pei serait sans doute encore aux USA, à enseigner ou dans un musée… Elle aurait eu une vie totalement différente. En fait, c’est son départ qui l’avait poussé à partir. Un bon point dans cette histoire.

« Pei… MERDE… Tu me connais donc si mal ? Tu penses que… que je ne t’ai pas écrit une seule lettre ? Tu penses que j’ai pu rire de toi ? Mais bordel, qu’est-ce qui se passe dans ta tête ? » Elle le regarda d’un air exaspéré. Si elle avait cru toutes les excuses que les mecs ont pu lui sortir, elle serait certainement avachie devant Amour, gloire et beauté, trente kilos de graisse en plus grâce aux pots de glaces, et un petit : Mais je l’aimeuuuh. Elle avait du mal à faire confiance dans ce genre de situation, et ce n’est pas le fait qu’ils étaient proches qui allait changer quoi que ce soit. Il lui tourna à nouveau le dos et ré-ouvrit le capot. Mais elle ne comptait pas en rester là. Elle s’avança vers son véhicule et tâta –quelque peu violemment- le torse de notre cher Hercule à l’aide de son index. « Non mais attends une minute. Tes lettres, j’en ai pas vu la couleur, pas même une fois Sean. Ce qui se passe c’est que pendant des années, tu n’as pas daigné montrer le moindre signe de vie, tes soi-disant lettres je ne serai pas surprise que ce soit une simple excuse, ET, tu débarques ici, avec un gentil petit sourire, en espérant que je te saute dans les bras. Tu peux pas imaginer un seul instant le flippe que je me suis fait, en sachant que tu étais en train de faire mu-muse dans des pays en guerre. Mais ça non, tu t’en fous, bien sûr. » En fait, une partie du problème était là. Vous ne pouvez pas imaginer les ulcères qu’elle a eu à cause du stress, en sachant que son ami était dans un pays de fou, arme à la main, et qu’il pouvait prendre une balle n’importe quand… Seulement, vu la taille de la fierté de notre chère madame, elle ne lui avait jamais dit autrement qu’en colère.